L'enragé de Sorj Chalendon
Un bagne qu'on appelle colonie. Des prisonniers qu'on appelle colons, en réalité, des enfants enfermés dans une prison qui est loin d'être une colonie de vacances, des enfants qui ont été arrêtés, souvent, pour des peccadilles, des enfants qui sont battus, maltraités, mal nourris, parfois même transformés en esclaves.
Une histoire très dure écrite par Sorj Chalendon et basée sur des faits réels incroyables. Ça ne s'est pas passé au Moyen Age, non, dans les années 1930 !
J'ai aimé ce livre, mais peut-on dire qu'on aime une histoire d'une telle cruauté? Il m'a fallu du temps pour y entrer : j'ai trouvé l'atmosphère malsaine, trop de violences, trop d'injustice, trop de cruauté !
Un jour, ces enfants qui ne supportent plus l'injustice se révoltent, blessent leurs bourreaux et fuient, mais peut-on s'évader d'une ile? Tous seront repris ! Tous sauf un : Jules Bonneau (ça ne s'invente pas), le héros de l'histoire.
C'est un gamin violent surnommé "la teigne" dans la "colonie", mais c'est un gamin qui a été malmené par la vie (sa mère l'a abandonné quand il avait 5 ans, son père l'a laissé chez ses grands-parents qui ne voulaient pas de lui et ont profité d'une de ses "bêtises" pour l'envoyer au bagne ! Mais c'est un enfant qui a un coeur, même s'il ne veut pas le montrer. Il faut jouer au dur dans ce genre de prison !
Sorj Chalendon décrit les personnages avec précision. Il n'est pas difficile de se mettre à la place des protagonistes et donc de faire partie de l'histoire. Je me suis cru là, parfois, au milieu de ces surveillants haineux, de ces enfants meurtris, au côté de Jules dont j'ai approuvé tous les actes, même ceux contraires à la loi.
Heureusement, Jules trouvera une "famille" auprès de l'infirmière de la colonie et de son mari, pêcheur, qui engage le gamin comme mousse.
Malheureusement, pas de happy end pour ce livre puisque la guerre arrivera et les Boches feront leur sale boulot...
Chalendon cite Prévert qui aurait rencontré le gamin, aurait pris connaissance de ce qui se passait dans ce bagne pour enfants et en a fait un poème. Je vous laisse avec Prévert tout en vous incitant à lire ce livre qui ne peut pas laisser indifférent, mais ne le lisez pas à un moment où votre moral est au plus bas !
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l’île on voit des oiseaux
Tout autour de l’île il y a de l’eau
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu’est-ce que c’est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C’est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l’enfant
Il avait dit J’en ai assez de la maison de redressement
Et les gardiens à coups de clefs lui avaient brisé les dents
Et puis ils l’avaient laissé étendu sur le ciment
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant il s’est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C’est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l’enfant
Pour chasser l’enfant pas besoin de permis
Tous les braves gens s’y sont mis
Qu’est-ce qui nage dans la nuit
Quels sont ces éclairs ces bruits
C’est un enfant qui s’enfuit
On tire sur lui à coups de fusil
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent
Au-dessus de l’île on voit des oiseaux
Tout autour de l’île il y a de l’eau.
Ce poème est basé sur la "chasse aux enfants" après la mutinerie qui a eu lieu en 1934 sur l'ile. Tous les "braves gens", comme le chantait Brassens, se sont mis à la recherche des enfants. Ils ont reçu la somme de 20 francs pour chaque enfant retrouvé !
Le poème a été mis en musique par Joseph Kosma et interprété par Marianne Oswald.