Pourquoi ai-je eu envie de commander et de lire ce deuxième roman de Céline Gierts?
Tout d'abord parce qu'elle habite dans la région de Mons (moi aussi) et surtout parce que j'ai entendu un extrait de ce bouquin et qu'il m'a parlé directement.
Céline est psy et enseignante. "Tant pis, dit-elle, si on pense que les psys sont fous!"
Car il s'agit bien de folie ici, la folie d'une femme, Chloé, l'héroïne qui souffre parce qu'elle n'a pas pu s'adapter au monde violent dans lequel nous évoluons.
"Le monde extérieur n'était pas mon ami, tout m'y paraissait menaçant, hostile, dangereux."
Du passé de Chloé, on connait peu de choses. On sait qu'elle a souffert, que la vie lui semblait trop dure, ce qui l'a conduite dans cette boite blanche où courent des fourmis blanches.
"D'un seul coup, toute la douleur des absences parentales de mon enfance a ressurgi, le sentiment d'abandon chaque fois que j'avais eu besoin de parler à un proche."
"Lorsque celui qui vous a donné le sentiment d'existence n'est plus là, le vide s'empare de l'âme. Mon coeur chavire dans les méandres incommensurables de mon errance sur terre."
Dans cette boite blanche qu'est l'hôpital psychiatrique, Chloé n'a pas l'impression d'exister. Les fourmis blanches que sont les infirmières courent sans vraiment s'occuper de ce que leurs patients ressentent. Elles déposent le plateau de repas, viennent le reprendre, conduisent les malades chez le psychiatre de service,... Chloé n'existe pas à part pour Clochette, une infirmière, une fourmi blanche qui l'accueille par un "Bonjour Chloé" qui lui donne l'impression de compter pour elle.
"Je préfère être réellement seule qu'ignorée dans la foule."
Lors de sa première visite, le psychiatre qui la reçoit lui offre une tasse de thé au caramel. Ce geste compte plus que tout pour Chloé, elle devient quelqu'un de normal pour la première fois. Elle attendra ses visites chez celui qu'elle appellera le docteur Caramel avec impatience...
"Celui qui attend est riche car il possède un but à atteindre."
...jusqu'à ce que ce geste se fasse machinal...
"Il est devenu un robot du travail acharné et ses patients ne sont plus que des dossiers à gérer."
...et qu'elle en souffre!
"A trop vouloir se protéger des maladresses des autres, on finit par se blinder et trouver toutes les portes closes, celle de notre coeur, celles de nos amis, celle des possibles rencontres et partages."
Dans la boite blanche, il y a évidemment d'autres êtres qui souffrent comme elle. Il y a d'abord Paula, qui transporte sa vie dans le sac qu'elle ne quitte pas. Chloé lui fera tout d'abord une place sur le banc qu'elle occupe dans le parc mais aussi dans son coeur.
"Tout ce que l'existence lui a volé, elle l'accumule dans sa gibecière. Elle comble ses pertes affectives en emmagasinant une tonne d'objets."
Il y a aussi Thomas qui ne parle pas mais lui laisse une place à ses côtés à l'atelier mosaïques dirigé par Renée, la seule fourmi qui ne soit pas blanche. Petit à petit, il lui fera une place dans sa vie.
"En une fraction de seconde, nous avons pénétré le monde intérieur de l'autre. Et cet instant a été douloureux pour chacun, notre propre monde étant déjà trop lourd à porter."
Pour Paula d'abord, pour Thomas ensuite, petit à petit, elle renaitra à la vie.
"Les gens les plus chers à notre vie sont ceux qui nous offrent des rêves. Les gens les plus chers sont ceux qui continuent de croire en nous alors que nous, nous n'y croyons plus."
Les phrases en italique sont évidemment extraites du bouquin et sont, vous l'aurez sans doute deviné, celles que Chloé prononce mais tout bas puisqu'elle les confie à son journal intime. C'est donc un récit à la première personne que nous offre Céline Gierts. Un récit simple, sans suspense insoutenable mais tellement beau, tellement interpellant, tellement vrai, écrit avec le coeur et destiné à entrer dans le coeur de ses lecteurs.
Le récit se termine sur une note d'espoir.
"J'ai vu les saisons défiler comme irréelles derrière cette vitre de verre où ni le vent, ni la pluie, ni le soleil ne vous atteint. J'y ai aperçu des parapluies rouges cachant des amours secrets qui me faisaient croire que j'étais plus insignifiante que jamais. Et aujourd'hui, je suis sur cette route qui mène vers une autre et une autre encore, je suis à la même hauteur que tous ces gens et j'ai une destination, un rêve à accrocher, un garçon à aimer..."
Les derniers mots, je les garde secrets...
J'ai l'habitude de souligner dans les livres les phrases que j'aime, qui me touchent, qui me parlent mais jamais je n'en ai souligné autant. Céline a un don spécial pour écrire des phrases belles, poétiques, métaphoriques je dirais...
Vous l'aurez compris un véritable coup de coeur pour moi.
Bonne soirée